Hôtel du temps, un vendredi matin. Virginie, cigarette électronique à la bouche, nous accueille. C’est l’auteur du livre « De bruit et de fureur » sorti aux éditions Plon. Elle nous explique son envie de conter le sida mais surtout de le raconter à travers Thierry Le Luron, célèbre imitateur des années 80.
Parisienne depuis toujours, Virginie, 35 ans est née dans le 16ème et a passé son enfance dans le 17ème. On l’a connue actrice puis animatrice mais elle a toujours écrit: « J’ai toujours cru qu’on apprenait à écrire pour écrire des histoires, des livres. J’ai d’ailleurs rédigé mon premier livre à six ans! C’était l’histoire d’un cheval qui s’était évadé d’un haras… J’ai gardé cette envie qui est ancrée en moi » nous explique-t-elle.
Après avoir sorti deux livres, « Spécimens à disposition des jeunes filles faciles » & « L’âge des promesses« , tous deux parus aux Editions Flammarion, elle a eu envie de s’atteler à une tâche plus lourde : écrire sur le sida. Elle qui avait quatre ans quand elle entend pour la première fois parler de cette maladie. « Je m’en rappelle comme si c’était hier. Une peur panique, une peur physique m’avait envahie. Crever par faiblesse d’aimer, l’équation me semblait horrifiante. Elle l’était. » ( Extrait du livre). Comment faire? Par quel biais en parler? C’est son oncle Hervé, manager de Thierry Le Luron du début des années 80 à son décès, qui lui conseille d’écrire à son sujet: « J’ai écouté l’histoire, j’ai fouillé les archives familiales et même si à la base je n’étais pas franchement partante, je me suis dit que j’avais un sujet. » Elle développe alors: « Je le connaissais qu’à travers ses imitations, certes très bonnes, mais ça ne me parlait pas des masses et en travaillant sur le sujet j’ai découvert un personnage: un mec qui était beaucoup plus politique, anarchiste et rock’n’roll que ce qu’on m’en avait jamais dit. » L’enjeu est donc de taille: raconter l’histoire du virus et notamment dans quelle société il arrivait tout en retraçant le combat mené par l’imitateur. C’est avec dextérité qu’elle y parvient, puisqu’en lisant on se retrouve touché par cette histoire. « Effectivement Thierry était un homme emblématique de ce que les malades ont vécu a l’époque. Quand on vous annonçait à ce moment-là que vous aviez le sida, il n’y avait pas d’espoir. Vous mourriez dans les six à douze mois. Et chacun de ces mois qui se profilaient était d’une souffrance absolue. Absolument tous les malades devaient se battre contre la rumeur, mais comme il était connu, lui devait le faire à un niveau beaucoup plus élevé que le commun des mortels. Car dans son cas, la rumeur c’est les médias en général » nous explique Virginie.
Virginie est une enfant des années 80, la décennie qui a vu apparaitre ce virus et qui a surtout vu le nombre de morts s’accroitre. Le combat, glorieux, qu’elle mène, rappelle à ses lecteurs que dans la majorité du monde on meurt encore violemment de cette maladie. « Un beau matin de 81, un mec se pointe à l’hôpital, personne ne comprend ce qu’il a et ce malade décède. A partir de ce jour-là, dans tous les hôpitaux arrivent des jeunes hommes qui souffrent de cette maladie – hyper bizarre – c’est pour ça qu’on l’a appelé le cancer gay à l’origine. Ensuite l’histoire montre que des cas n’avaient pas été traités avant. Cette maladie touche à la morale de chacun, à la sexualité qui est l’élément primaire de la reproduction: un des tabous ultimes puisqu’on comprend qu’en reproduisant l’espèce on risque de mourir. » Tabou alors qu’il fallait en parler pour éviter la contamination. En rédigeant le livre elle se rend compte que sa sensibilité vis-à-vis du sida vient surement de Thierry: « Maintenant, plus que jamais, je me sens attachée à lui. Je l’adore et en travaillant sur sa vie, j’ai appris beaucoup de choses sur moi » conclut-elle.
Vous l’aurez compris, c’est un livre magnifique qui retrace sans faux semblant les deux dernières années de Thierry Le Luron, victime du virus le plus meurtrier de notre génération: le sida. Virginie est une mine d’informations mais surtout elle permet de comprendre l’histoire et les conséquences engendrées par ce mal. A travers son enquête, elle permet de réaliser à quel point ce virus venu d’ailleurs a infiltré toutes les strates de la société.
Paris pour Virginie? « Beaucoup de douceur et de beauté derrière la dureté de cette ville. Elle a un certain rythme qu’il faut sentir et se laisser aller, il faut sentir le tempo de la ville. Et puis c’est le décor de toute une vie. » Quand elle n’est pas en train d’écrire, elle dine à La Belle Epoque ou boit un verre à La Closerie des Lilas.
Propos recueillis par Louisa Marteau-Rehaz
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